Les Évangiles sont des documents historiques, presque des chroniques, de toute première main
Antoine Luciani
La question vaut d’être posée. Pour Jésus, en effet, Moïse est un personnage historique : « Et, de même que Moïse éleva le serpent au désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l’homme, afin que tout homme qui croit en lui possède la vie éternelle » (Jean, III, 14-17). Dès lors, mettre en doute l’existence de Moïse n’est-ce pas mettre en doute la parole de Jésus, et sa divinité ? C’est ce qu’ont fait les media, après l’émission récente de France 5 intitulée La Bible dévoilée. Et même des publications catholiques. Ainsi Le monde de la Bible, sous la plume de J. L. Pouthier, écrit sans sourcilier : « La Bible n’est pas toujours une histoire "vraie", en tout cas au sens où l’entendent les historiens. Parce qu’il proposait une sorte de bilan de ce que l’archéologie nous enseigne sur le "vrai" de la Bible, l’essai d’Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman, La Bible dévoilée [1], publié en 2002 aux éditions Bayard, a été un succès de librairie... Pour Israël Finkelstein et Neil Silberman les histoires d’Abraham, de Moïse et de l’Exode, de la conquête de Canaan et du grand royaume de David et Salomon, ne sont que des récits mythiques repris au septième siècle par un roi de Juda, Josias, soucieux de légitimer ses ambitions nationalistes. » A cela le catholique Pouthier ne répond rien.
La réplique, pourtant, il aurait pu la trouver dans Les mystères du Mont Sinaï. Har Karkom, livre magistral d’un agnostique, le grand archéologue italien Emmanuel Anati, édité par Payot voici déjà vingt ans, réédité en 2000 par Bayard et suivi de nombreuses publications sur le même sujet. Il est fort surprenant que M. Pouthier n’ait pas connu ces travaux, et plus surprenant encore que, s’il les a connus, il les ait passés sous silence.
Mais qu’ont découvert le Professeur Anati et son équipe ?
La première découverte de ces archéologues, est que le véritable mont Sinaï dont parle la Bible, n’était pas, comme on le croyait, le Djebel Musa, mais, à 200 kms environ au nord de ce dernier, le mont actuellement nommé Har Karkom, qui servait, depuis 40000 ans, de sanctuaire, et où, comme l’a montré Rosetta Bastoni, vers 3000 avant Jésus-Christ on adorait la lune sous le nom du dieu mésopotamien Sin. De très nombreux vestiges - pierres gravées, menhirs, tombeaux, tumulus - ne laissent aucun doute à ce sujet. Depuis des temps immémoriaux cette montagne était "la montagne de Dieu", et l’activité cultuelle y était intense. [2]
La seconde découverte est le singulier parallélisme entre ce que nous révèle l’archéologie et les récits bibliques, un parallélisme qu’on ne saurait attribuer à une simple coïncidence. Exemples : les douze pierres que Moïse dressa au pied du mont, et qui figurent chacune une tribu d’Israël, nous les trouvons bien en ce lieu ; une gravure rupestre représente une houlette surmontée de deux cornes, symboles de puissance, avec, à sa gauche, un idéogramme signifiant « changer », et, à sa droite, un serpent : n’est-ce pas le bâton qu’Aaron jeta aux pieds de Pharaon ? Nous voyons aussi sur une pierre gravée, les « tables de pierre » semblables à celles qui représenteront plus tard les Tables de la Loi de Moïse. Nous trouvons même une caverne, dite « caverne de l’ermite », qui n’est pas sans évoquer le récit biblique de Moïse venant à la montagne et y demeurant, seul, pendant 40 jours. D’une façon générale tout le récit biblique de l’Exode s’éclaire à la lumière des découvertes archéologiques du Pr Anati.
Reste l’objection majeure de Finkelstein : les récits bibliques ne sont pas historiques, et ne peuvent l’être, pour la bonne raison qu’au 13è siècle avant Jésus-Christ., époque présumée de la conquête de Canaan, « la plupart des villes mentionnées n’existaient pas », et qu’au surplus aucun texte égyptien de cette époque ne mentionne cette fuite des Israélites hors d’Egypte. Le raisonnement serait irréfutable si la datation des exégètes était certaine ; or, elle ne l’est pas ; et même elle est certainement fausse. En revanche les analogies entre le récit biblique et les textes égyptiens et mésopotamiens du 3è millénaire, - spécialement de la fin du millénaire – sont frappantes.
La conclusion s’impose : l’Exode n’est pas un mythe, mais il faut reporter les évènements un millénaire environ plus haut dans le passé.
On peut donc se fier à la Bible. Certes l’archéologie ne nous enseigne pas que Moïse eut la révélation de Dieu. Il nous suffit qu’elle prouve que ce que Finkelstein déclarait impossible ne l’est pas, et même que cela est très vraisemblable. Il n’y a plus d’obstacle pour la Foi. §
[1] Voir l’article de Charles Commeaux, La Bible escamotée, dans Les Nouvelles de l’Association Jean Carmignac de novembre 2002, n°16.
[2] Le cas de lieux de cultes anciens que Dieu choisit pour S’annoncer aux hommes n’est pas rare. Rappelons qu’en décembre 1531 la Sainte Vierge apparut à l’indien Juan Diego, lui demandant que soit construite une église sur la colline du Tepeyac, près de Mexico, où les Aztèques jusqu’à peu auparavant adoraient Tonantzin, la mère de leurs dieux. C’est là, à Notre Dame de Guadalupe, qu’une image de la Vierge s’est imprimée – de façon inexplicable par la science d’aujourd’hui - sur le manteau de Juan Diego. Ainsi, à Har-Karkom, Moïse n’a-t-il pas été mystérieusement guidé vers ce lieu où s’étaient succédé tant de cultes idolâtres pour qu’y éclate la majesté du « Dieu jaloux », « Iahwé-Je Suis », le seul vrai Dieu, et que la montagne des dieux devienne ainsi la montagne de Dieu ?
Bruno Bioul
Bruno Bioul
Marie Christine Ceruti