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La crédibilité de l’Incarnation racontée par les Evangiles et celle de (...)


novembre 2017
Auteur :

Marta Sordi

Marta Sordi est Professeur émérite d’Histoire grecque et romaine de l’une des plus prestigieuses Universités d’Italie : « La Cattolica » de Milan, où elle a par ailleurs eu pendant de nombreuses années la charge de Directeur de l’Institut d’Histoire Antique. Elle est membre de l’Institut d’Etudes Etrusques et correspondante de l’Académie Pontificale d’Archéologie et fait partie du comité de rédaction de revues publiées tant en Italie qu’ailleurs dans le monde. Elle a bien voulu nous communiquer l’article suivant paru dans la revue Il Timone.

L’existence historique du Christ ne peut être mise en doute par personne : Il a vécu à une des époques les mieux connues de l’histoire romaine, entre le règne d’Auguste et celui de Tibère, à une époque pleine de sens critique, où même dans une province comme la Judée et même chez des personnes simples et démunies d’une culture raffinée, la réaction au miracle n’allait pas du tout de soi, comme le révèlent la première réaction de Marthe à l’ordre de Jésus de retirer la pierre qui fermait la tombe de Lazare, ou celle des Apôtres à l’annonce, apportée par les femmes, de la Résurrection. Prétendre démythiser les Evangiles, comme si nous nous trouvions devant des légendes d’époques primitives, est le résultat d’un préjugé, qui confond le « prouvable », dans le sens de ce à quoi on peut apporter des preuves, qui est l’objet de l’histoire, avec le « vraisemblable », qui dépend de l’opinion courante. Et que les auteurs des Evangiles canoniques aient eu l’intention de faire œuvre historique et non de raconter des fables, en se tenant, selon la méthode de l’historiographie antique, au récit de témoins oculaires bien informés des événements, voilà qui nous est révélé non seulement par l’élection de Matthias, choisi pour remplacer Judas parmi ceux qui avaient été avec Jésus « depuis le baptême de Jean jusqu’au jour où Il est monté au ciel » (Actes des Apôtres I, 21 et suivants), mais aussi par l’insistance sur le concept de témoignage (martys, martyrion, martyria) et par l’usage d’une terminologie caractéristique du milieu judiciaire et historiographique dans les Synoptiques et chez Jean et enfin par le prologue lui-même de Luc, l’unique grec parmi les Evangélistes, qui, en dédiant son Evangile à un chevalier romain, l’egregius (kratistos) Théophile, énonce la méthode de l’historiographie scientifique grecque : (Luc I, 1/4) « Puisque beaucoup ont pris l’initiative de raconter les événements (prágmata), qui se sont accomplis parmi nous, comme les ont transmis ceux qui ont été depuis le début témoins oculaires (autópta) et serviteurs de la Parole, j’ai décidé moi aussi, après avoir tout suivi attentivement avec un sens critique (akribos), de t’écrire avec ordre (kathexés), sur ces sujets, pour que tu saches la sûreté (asphaleia) des propos qui t’ont été enseignés de vive voix (kathechetes) » : Il y a là l’autopsie, fondamentale à partir d’Hérodote, du compte-rendu historique et de l’exercice de la critique (akribeia) dont Thucydide a fait la théorie, qui donne la certitude historique (asphaleia) à l’enseignement oral.
Dans l’exhortation finale de Jésus aux Apôtres, là où Matthieu (28, 19) dit « Enseignez tous les peuples » et Marc (16,15) « Annoncez (keryxate) l’Evangile à toute la création », Luc (24, 48) dit : « Vous me serez témoins (martyres) » : entre le « kerygma », l’annonce de l’Evangile, et le « témoignage », caractéristique de l’histoire, il y a donc identité : le kerygme n’exclut pas l’adhérence à la réalité historique des événements (pragmata), objet de l’enseignement et de l’annonce, qui prend dès le début la forme typique de l’histoire, celle d’un récit où l’exigence de fiabilité est fondamentale. La rédaction du canon dès le IIème siècle, le refus des apocryphes, souvent hérétiques, toujours imaginaires, révèlent la préoccupation de l’Eglise primitive de s’en tenir à la tradition apostolique, l’unique qui, dépendant de témoins oculaires sûrs de la réalité des faits racontés, donne la garantie de l’authenticité et de la crédibilité.
Le Christianisme est une religion fondée sur un Evénement historique (Incarnation, Passion, Mort et Résurrection du Christ) et il est par conséquent tout à fait compréhensible que la catéchèse orale se soit appuyée sur le récit historique. Et il en a été de même, très vite ( Papias de Hiérapolis et Clément d’Alexandrie parlaient de 42 ap. J.-C. pour l’Evangile de Marc), pour la rédaction écrite : sur demande – disait Clément – des chevaliers et des Césariens qui à Rome avaient adopté, à l’époque de l’empereur Claude, la prédication de Pierre. Romains et Grecs étaient habitués à la lecture et il est naturel qu’ils aient demandé de pouvoir lire par écrit ce qu’ils avaient entendu.
Si les sources chrétiennes sont, comme il est naturel, les plus importantes pour la personne historique du Christ, des sources importantes juives et païennes ne manquent pas non plus, déjà au Ier siècle : Flavius Josèphe parlait certainement de Jésus quand, dans les Antiquités Judaïques XX, 9, 1 et sqq il rappelait le meurtre - dû au grand prêtre Ananos - de Jacques le Mineur, « frère de Jésus appelé le Christ » en 62. L’authenticité assurée de ce passage fait supposer que Flavius Josèphe avait déjà parlé de Jésus auparavant et a amené de nombreuses personnes à reprendre en considération le si discuté testimonium flavianum (Antiquités Judaïques XVIII, 3,3), où il est question de la crucifixion - sur l’instigation des chefs juifs et accomplie par Pilate - de Jésus « homme sage, si on doit l’appeler un homme, faiseur de miracles, maître de beaucoup, de Juifs et de Grecs qui en ont accueilli l’enseignement » ; de son apparition « à ceux qui l’avaient aimé d’abord, le troisième jour après sa mort » ; des Chrétiens qui prennent leur nom de lui. Aujourd’hui, si on élimine les interpolations dues probablement à l’insertion dans le texte de gloses marginales d’origine chrétienne (telle pourrait être l’affirmation « Il était le Christ ») on tend à affirmer l’authenticité du témoignage de Josèphe.
C’était bien un païen au contraire que Mara Bar-Serapion, stoïcien syriaque qui, écrivant à son fils, immédiatement après la destruction de Jérusalem, en 73 ap. J.-C. semble-t-il, voyait dans cette destruction la punition divine pour « le sage roi » des juifs exécuté par eux.
Et Tacite était bien païen aussi, lui qui parlant de l’incendie néronien de 64 et de la persécution des Chrétiens (Ann. XV, 44, 5) disait que leur nom venait de Christ « qui avait été mis à mort par le procurateur Ponce Pilate, sous le règne de Tibère ». Tacite écrit au début du IIème siècle, mais sa source pour ce passage est, probablement, Pline l’ancien, mort en 79. L’information semble présupposer la connaissance du rapport de Pilate à Tibère : au IIème siècle Justin Martyr et Tertullien parlent d’un tel rapport.
Des études récentes révèlent que le Christianisme était bien connu, à Rome, au Ier siècle : des parodies de scènes évangéliques se trouvent dans le Satiricon de Pétrone et des allusions pleines de sympathie sont faites au contraire dans les écrits stoïques de l’opposition à Néron. Contrairement à ce qui était affirmé dans le passé, il semble que les Romains se soient aperçus assez tôt du fait Chrétien.



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