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Nouvelle lecture de Jean 20,10


novembre 2013
Auteur :

Jeanne Ducatillon - Bulletin Nr. 3

Une de nos lectrices, Mademoiselle Ducatillon, agrégée de lettres classiques, a publié il y a quelques années un essai sur les versets 6 et 7 du chapitre 20 de Saint Jean sur l’état des linges dans le tombeau après la Résurrection. Elle nous écrit pour nous proposer une traduction encore affinée de ce passage. Plusieurs de nos abonnés se sont déjà activement penchés sur ce sujet particulièrement important puisqu’il touche directement les modalités de la Résurrection et la question du Linceul de Turin. Nous attendons dons vos réflexions, vos objections, vos suggestions sur cet intéressant article.

M.-C. Ceruti

Que voit Simon Pierre pénétrant dans le tombeau le matin de Pâques ? selon la Bible de Jérusalem, nouvelle édition 1998, « Il voit les linges gisant à terre, ainsi que le suaire qui avait recouvert sa tête ; non pas avec les linges, mais roulé à part dans un endroit. »

L’expression ’dans un endroit’ rend exactement les trois derniers mots grecs ’eis héna topon’ ; mais elle n’ajoute aucune précision à la phrase et y apparaît comme un inutile remplissage. L’édition précédente (1995) portait ’roulé dans un endroit à part’. Cet ordre des mots était meilleur. On pouvait cependant lui reprocher de ne pas suivre le grec et d’avoir transporté abusivement à la fin, le mot ’khoris’, ’à part’, placé plus haut. Quant à traduire ’dans un seul endroit’ selon l’autre sens de ’héna’, ce serait acceptable, s’il y avait dans ce qui précède un terme signifiant ’disséminé’ ou ’éparpillé’ qui permettrait d’établir un contraste entre les linges répandus çà et là et le suaire ramassé en un seul point. Or, il n’y en a pas. ’Keiména’, le participe passé apposé aux linges, ’othonia’, ne peut avoir ce sens.

Pierre, entré dans le tombeau le matin de Pâques, cherche à comprendre le spectacle qui s’offre à lui. Le verbe théorei employé ici marque en effet un regard attentif, plus inquisiteur que le simple blépei. Ce qu’il voit d’abord et qui doit l’étonner, ce sont les linges aplatis, ’keiména’ : ils ont perdu leur enflure, le corps qu’ils recouvraient ayant mystérieusement disparu. Son regard tombe ensuite sur le soudarion. Mais, autre sujet d’étonnement, ce soudarion n’est pas à plat keimenon comme les autres linges ; il présente un renflement entetuligménon. En outre, il n’est pas là où on s’attendait à le trouver. Au lieu d’être parmi les autres linges, il est séparé d’eux, comme l’indique clairement le mot ’khoris’ souvent traduit par ’à part’. de plus, il devrait, selon le rituel, occuper l’emplacement de la tête. Mais l’adjectif ’atopon’ que nous lisons maintenant dans le texte, interdit de le supposer à cet endroit. Formé en effet du préfixe a et du nom topos, il signifie selon le sens premier qu’il doit à l’étymologie et qu’indiquent tous les dictionnaires ’hors de son lieu et place’.

Ces faits, joints au plus stupéfiant de tous, l’absence du cadavre, suggèrent l’hypothèse d’une irruption de voleurs dans le sépulcre. Mais quel voleur aurait pris la peine d’ôter les linges et de défaire les ligatures pour n’enlever que le corps ?

Tous les accessoires funèbres se trouvent donc encore présents dans le tombeau, lorsque Simon Pierre y pénètre en ce matin de Pâques. Mais il n’en voit aucun dans la position où il devait se trouver le vendredi soir après l’ensevelissement et, mystère supplémentaire, le corps n’est plus là.

A la différence de Luc (24,12), Jean ne dit pas l’étonnement de Pierre devant ce spectacle insolite. Mais le mot final atopon, par ses sens dérivés, le laisse entendre.

Voici la traduction :

Simon Pierre observe les linges à plat et le suaire qui était sur la tête (de Jésus) non pas avec les linges, mais séparé d’eux, enroulé et refermé sur lui-même, hors de sa place.

Jeanne Ducatillon


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