Les Évangiles sont des documents historiques, presque des chroniques, de toute première main
Paul Bousset - Bulletin Nr.2
Un de nos correspondants, Monsieur Paul Bousset, nous a envoyé l’enregistrement d’un exposé oral fait pour ses amis sur l’historicité des Actes des Apôtres. Nous en rapportons ci-après le passage qui nous a semblé le plus propre à intéresser les adhérents de notre association, en remerciant très vivement Monsieur Bousset.
Je relèverai une série de petits détails qui m’ont plu parce que ce brave Luc avait un peu la même manie que moi autrefois quand je partais en vacances. On se moquait un peu parce que je gardais en souvenir des tickets de métro, des tickets de bus, des tickets de musée que je collais quelques fois dans les albums-souvenirs côte à côte avec les photos et les cartes postales. Luc, lui, a accompagné Saint Paul dans son voyage et il a collectionné, si j’ose dire, les noms des ports d’attache des bateaux, même parfois leur nom propre, et aussi d’in- nombrables détails pratiques... Par exemple au chapitre 27 il y a le nom du centurion, il y a sa cohorte - disons son régiment - et le nom d’un passager qui a dû lier conversation avec eux mais dont on ne sait rien de plus [1]. Voilà le texte :
{}« Lorsqu’il eut été décidé que nous embarquerions pour l’Italie, Paul et quelques autres prisonniers furent confiés à un centurion de la cohorte Augusta nommé Julius. Nous montâmes à bord d’un bateau d’Adramyttium. » [c’est donc le port d’attache] « qui devait faire le cabotage sur les côtes d’Asie et nous levâmes l’ancre. Il y avait avec nous Aristarque, un Macédonien de Thessalonique. » Et puis la suite : « Le lendemain nous fîmes escale à Sidon, etc... »
{}Voyons maintenant un peu plus loin, ils ont changé de bateau bien sûr. Là, il y a encore le port d’attache : « Nous arrivâmes à Myre en Lycie. Le centurion ayant trouvé là un navire d’Alexandrie en partance pour l’Italie nous y fit monter. » Donc voyez c’est un navire d’Alexandrie. Et puis après il y a la tempête et le naufrage. Nous y reviendrons.
Au chapitre 28 cette fois il a noté le nom du bateau. Il est vrai qu’il avait eu le temps de le contempler parce qu’ils se sont arrêtés tout l’hiver dans le port. Alors il a bien su le nom :
« Au bout de trois mois nous reprîmes la mer sur un bateau qui avait hiverné dans l’île ; il était d’Alexandrie et portait l’enseigne des Dioscures. »... Et puis ensuite ils s’en vont : « Nous abordâmes ensuite à Syracuse. »
Je pensais vous laisser le soin de lire dans le texte au chapitre 27 les péripéties du voyage de Paul et de Luc, mais il faut quand même en parler. Ce devait être un beau bateau de l’époque : deux cent soixante-seize personnes à bord ! Bien sûr pas en luxueuses cabines. Il n’est pas étonnant que Luc ait retenu le nombre des passagers : le capitaine a dû faire le compte des naufragés à l’arrivée pour vérifier que tout le monde avait regagné la côte et cela n’a pas dû se faire sans peine et sans répétitions. Quatorze jours de mauvais temps et de tempête ! cela aurait pu prêter à des développements gratuits et pittoresques si Luc avait eu l’âme d’un romancier, mais en homme précis il observait la manœuvre des marins et n’en perdait pas une miette : le nom du vent - l’Euraquilon-, le nom de la petite île qu’ils dépassent .- Cauda -, la difficulté à hisser la chaloupe sur le pont, la crainte d’échouer sur les hauts-fonds de la Syrte (Luc a presque fait son école de voile à l’occasion ! ), les manœuvres pour alléger le navire - on jette à la mer d’abord la cargaison puis le gréement -, et puis à la fin, avant le naufrage, on sonde la profondeur - vingt brasses... quinze brasses... On mouille quatre ancres à l’arrière du bateau - admirez la précision . Et puis toute le suite de la manœuvre décrite en détail jusqu’à la catastrophe - sans victime. Le navire est échoué par l’avant, la tempête le disloque par l’arrière. Heureusement personne ne manquera à l’appel, pas même les prisonniers.
Si j’en ai parlé c’est parce qu’il faut admirer la manière dont Luc nous livre ce récit. C’est un enseignement. Il renonce délibérément à la facilité du roman pittoresque mais il nous conserve les moindres détails techniques.
N’est-ce pas un témoignage providentiel qui nous assure du sérieux des reportages évangéliques du même auteur ? Luc a vraiment écouté et regardé ceux qui savaient. Ici les marins et avant pour son Evangile c’était les témoins directs comme il nous l’a dit dans son introduction :
« ... ceux qui ont été dès le début les témoins oculaires et qui sont devenus serviteurs de la Parole. »
[1] M. Bousset donne cette précision : si vous désirez un complément d’information, vous le trouvez dans l’Epître aux Colossiens 4,10 et dans l’Epître à Philémon, verset 24.
Jeanne Ducatillon - Bulletin Nr. 3