Les Évangiles sont des documents historiques, presque des chroniques, de toute première main
Antoine Luciani
Professeur de grec à la Faculté d’Aix en Provence.
A propos de L’Inventaire du monde de Claude Nicolet
Claude Nicolet, est membre de l’Institut, ancien directeur de l’Ecole française de Rome, Professeur à l’Université de Paris I, directeur d’études à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. L’Inventaire du monde a paru chez Fayard dans la collection Pluriel. L’auteur y traite des recensements romains, il parle de « l’erreur certaine » de Luc, qui aurait assimilé le recensement fait par Quirinius en 6/7 après J.-C. à un recensement universel qui aurait eu lieu au moment de la naissance du Christ. Il affirme que Quirinius n’a été qu’une seule fois légat en Syrie, et que l’on ne peut comprendre le texte de St Luc que d’une seule façon : « ce fut là le premier recensement, alors que Quirinius gouvernait la Syrie ».
Luc, chapitre 2, 1-3 :
Comme on peut le voir, la phrase du – 2 – est dépourvue de « mot de liaison ». Or Luc écrit un excellent grec. Cette absence de mot de liaison est, en grec, la marque de ce qui serait chez nous une note en bas de page. Le passage de Luc doit donc se lire :
« Or – ce fut en ces jours-là – parut un édit de César Auguste prescrivant un recensement de la terre entière ; et tout le monde venait se faire recenser, chacun dans sa ville. »
Pourquoi cette note ? Luc n’avait aucune raison d’insister sur le fait que ce fut le premier recensement. Le P. Lagrange a bien vu cela. En revanche, il est naturel qu’il ait voulu distinguer – par une « note en bas de page », ce recensement-là du recensement, postérieur, qui eut lieu sous le gouvernement de Quirinius, - lequel recensement était resté dans toutes les mémoires, car il avait donné lieu à une révolte cruellement réprimée. (Et d’ailleurs Luc évoque ce recensement dans les Actes (5, 37), ce qui est une preuve évidente qu’il ne confondait pas les deux recensements !) En – 2 – on pourrait lire, en changeant les accents : Αύτή άπογραφή, ce qui signifierait alors : “le recensement proprement dit” – et suggèrerait que le 1er recensement n’était qu’un « dénombrement » des habitants de l’Empire, et n’entraînait pas l’imposition. Il est impossible, me semble-t-il, de trancher.
Nicolet, après Mommson, admet d’ailleurs qu’un tel recensement a pu avoir lieu. Je traduirais volontiers : « Ce fut là le premier recensement, antérieur à celui qui eut lieu sous Quirinius ». Peut-être aussi ce premier recensement a-t-il été interrompu à cause de la résistance d’Hérode… et n’a-t-il servi qu’à permettre à Jésus de naître à Bethléem. C’est Dieu, et non Auguste, qui mène le monde.
J. C. Olivier
Reginald Wehrkamp-Richter N° 50